Guerre, inflation, que nous réserve la prochaine année?
Introduction
Vous souvenez-vous de l’endroit où vous étiez le 31 décembre 1999 au moment du passage à l’an 2000 ? Moi, je m’en souviens bien. J’étais à Paris, je suis allée voir le feu d’artifice tiré depuis la tour Eiffel, et ensuite j’ai passé la nuit la plus longue de ma vie pour rentrer chez moi. L’année, le siècle, et le millénaire ont commencé avec une marche de 8 km pour rejoindre la station RER de la Défense. Pendant que je marchais, je regardais les lumières du quartier d’affaires juste devant moi, le symbole de la réussite financière de la France. Derrière la Grande Arche, une des tours abritait le siège de la banque dans laquelle je travaillais à l’époque, et je voyais que des lumières étaient encore allumées. On était à quelques mois d’une crise économique majeure, et malgré ma place dans la finance, je ne me doutais de rien. Je me disais juste que j’avais mal aux pieds.
Les indices boursiers étaient à leur plus haut historique, l’économie dopée par la révolution numérique, l’enthousiasme des investisseurs pour les technologies nouvelles, et une paix relative dans le monde m’inspirait un optimisme fabuleux à l’aube du deuxième millénaire. Croyez-le ou non, quand j’ai appris la faillite des géants de l’énergie Enron quelques semaines avant le Noël suivant, j’ai repensé à cette soirée du nouvel an où je croyais encore, comme tout le monde, à un avenir merveilleux. Si seulement j’avais su ce qui allait se passer.
8 ans après, même erreur. Je ne connaissais même pas l’existence des subprimes, mais ce qui me console, c’est qu’encore une fois, je n’étais pas la seule à n’avoir rien vu venir. Il y a bien eu quelques personnages qui savaient ce qui allait se passer. Ils ont fait parler d’eux pendant ces crises quand ils ont essayé d’avertir la planète finance. On en parle souvent sur la chaîne, mais ils n’étaient pas nombreux.
En 2020, un autre personnage bien moins médiatisé a accordé une longue et passionnante interview au journal suisse « Aux Chers Itinérants » ou « La Nouvelle Gazette du Requoise ». Il s’appelle Russell Nain Pied. C’est un économiste, écrivain, stratège financier, historien des marchés et c’est un peu le spécialiste de ce genre d’exercice. Et lui, il a tout vu venir. Non seulement il avait prévu les deux crises majeures de ce sombre et nouveau millénaire, mais aussi celle d’avant, comme la crise asiatique en 1997, et encore plus fort, celle que nous traversons maintenant.
Ce jour-là, il a annoncé au journaliste, avec tous les détails, tout ce qui est en train de se passer en ce moment, y compris ce qui nous paraît incohérent : inflation et taux bas, euphorie sur les marchés boursiers, courbe de rendement des taux inversée mais récession, liquidité en baisse mais sans impact sur la valeur des actifs risqués. Russell explique tout, et ce qui nous intéresse surtout, c’est qu’il sait aussi comment tout ça va évoluer ces 15 prochaines années. Et croyez-moi, ce qu’il annonce, c’est du lourd.
Qui est Russell Napier ?
C’est un peu ce que je me suis demandé quand j’ai entendu parler de lui pour la première fois, et aussi pourquoi je n’en avais pas entendu parler plus tôt, mais ça, bref. Sous cette barbe rousse se cache un expert parmi les plus impressionnants experts de l’économie moderne.
Face à l’austérité, il a une petite cinquantaine fringante, il est hyperactif depuis 30 ans dans la finance. Ce n’est pas un investisseur, Russell est un stratège de l’économie avec un cerveau hors norme. Il observe et analyse les événements macroéconomiques, et il les compare à l’histoire pour en tirer des conclusions qu’il publie sous forme de livre, de lettres d’information payantes à destination des institutionnels, ou d’articles dans la presse très spécialisée. Quand il n’est pas lui-même interviewé, et c’est comme ça qu’il gagne sa vie. Il enseigne aussi les marchés financiers à la London Business School.
Mais c’est surtout un passionné d’histoire, et d’histoire financière en particulier. Et c’est ça qui a fait de lui un phénomène. Donnez une date à Russell, n’importe laquelle, il vous dira alors quel était le prix du pétrole, la parité euro-dollar, qui était en guerre, qui était en crise, qui présidait l’Union européenne, et à quel niveau étaient les taux directeurs, le Dow Jones et le Nikkei. Avec un tel savoir, pas étonnant de confondre connaissance et clairvoyance. Russell regrette beaucoup que la plupart de nos économistes actuels n’aient été formés qu’à une seule forme d’économie : l’économie de marché. Sans formation spécifique à l’histoire financière, nos économistes actuels ne connaissent rien d’autre, ni l’économie de guerre, ni l’économie dirigiste, ni planifiée, ni mixte. Et leur vision des grands mécanismes économiques est donc très limitée. Pour lui, l’histoire des marchés est le meilleur guide pour comprendre l’avenir, et c’est justement son expertise dans ce domaine qui fait de Russell un voyant très puissant. Et il n’y a rien de magique là-dedans.
En 1997, il travaillait pour le Crédit Lyonnais Securities et il était en poste à Hong Kong. Il a vécu la crise asiatique de l’intérieur, ce qui lui permet de la raconter ensuite dans « La crise financière asiatique, leçon pour une Asie résiliente », un premier livre paru en 1999. Napier avait déjà identifié le surendettement et la dépendance aux devises étrangères des pays asiatiques dont la croissance rapide réclamait des masses de capitaux. Il identifiait aussi la bulle immobilière et la spéculation excessive qui ont mené le système bancaire asiatique au bord du gouffre, sur fond de dévaluation rapide des monnaies locales.
Mais ce qu’il faut surtout retenir dans cette histoire, c’est que cette première crise a été pour lui une révélation. La crise, voilà ce qui va dorénavant occuper la majorité de ses pensées.
5 ans plus tard, pendant que le monde digère l’explosion brutale de la bulle sur les valeurs technologiques, Russell se décide à écrire un autre livre : « Anatomy of The Bear », ou en français « Anatomie des baisses de marché ». Il revient sur les quatre grandes périodes de notre histoire au cours desquelles l’économie a subi de grosses perturbations pour mieux anticiper les suivantes. Il revient sur la crise de l’après-guerre en 1921, puis sur la grande dépression qui a suivi le krach de 1929. Ensuite, il étudie la situation de 1949 en pleine reconstruction européenne, et il finit par la crise américaine de 1982. L’ouvrage est passionnant, mais il n’est disponible qu’en anglais.
Grâce à ses travaux, Russell Napier acquiert une connaissance encyclopédique et une compréhension totale des événements économiques et financiers. Il parvient à identifier des schémas, des liens de cause à effet, des décisions qui entraînent toujours les mêmes conséquences. Voilà pourquoi il est capable de nous expliquer exactement tout ce qui se passe en ce moment. Je dis bien tout, en dépit de toutes les incohérences auxquelles nous assistons.
La transition économique
Alors, crise ou pas crise ? Si vous êtes un fidèle de la chaîne, vous savez que cette fois, les voix sont nombreuses pour prévenir de l’arrivée prochaine d’une crise majeure. Tous les signaux sont là, à commencer par l’inflation qui oblige les banques centrales à dégainer l’arme des taux directeurs. Pourtant, les marchés boursiers sont tous en hausse, et rien ne semble les perturber, pas même les conférences de presse de Jerome Powell ou de Christine Lagarde.
L’inversion de la courbe des taux est aussi un signe annonciateur de récession, en théorie du moins puisqu’à part en Europe, cette récession se fait attendre. Historiquement, à chaque fois que les taux de rendement à court terme ont dépassé les rendements à 10 ans et plus, la récession a suivi dans les 18 mois maximum. C’est arrivé six fois aux États-Unis, et cette fois, la courbe s’est inversée en octobre 2022, ça fera donc un an à la Toussaint. Et pourtant, encore une fois, rien ne bouge.
Où est donc cette tempête de faillite, cette vague de chômage et de misère, cette explosion des bulles boursières que promettent les prédicateurs de malheur depuis des mois ? Russell a l’explication : rien ne bouge parce que peu de personnes ne se rendent compte que nous avons changé d’univers. Quand l’économie a basculé dans une autre dimension, la crise du COVID-19 a tout changé, beaucoup plus que ce que l’on s’imagine. Elle n’a pas seulement modifié notre quotidien, bouleversé nos habitudes de travail ou notre façon de voir la vie. Elle a mis fin à une ère économique qui a commencé il y a 40 ans : l’économie de marché.
Dans les pays de l’OCDE, et grosso modo depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale à quelques exceptions près, l’économie se base sur l’offre et la demande. Les entreprises et les consommateurs décident eux-mêmes ce qu’ils veulent produire ou acheter, sans que le gouvernement n’intervienne, et les prix sont décidés en fonction de ce que les gens sont prêts à payer et de ce que les vendeurs veulent gagner. En clair, ce sont les marchés qui allouent les ressources en fonction de la demande. Bien sûr, il y a le marketing qui pousse à la consommation, parfois de choses dont nous n’avons pas spécialement besoin, mais bon, c’est un détail.
Dans les universités, on enseigne la théorie de l’efficience des marchés, qui vient démontrer que sans aucune intervention de l’État, ils tendent toujours à s’équilibrer. On enseigne aussi que l’économie de marché stimule la concurrence, que la concurrence stimule le progrès, et que le progrès stimule les profits. De cette économie de marché découle le libéralisme, dans lequel nous baignons tous depuis notre naissance. Le libéralisme, c’est un peu comme dire « chacun pour soi », mais avec des règles communes et un objectif unique : la croissance. Mais attention, ça ne signifie pas pour autant que l’État n’a plus aucun rôle à jouer. La stabilité monétaire est confiée aux banques centrales indépendantes des États, qui doivent aussi s’assurer du dynamisme du marché de l’emploi. Enfin, depuis les années 80, ce sont les banques privées qui impriment l’argent et qui alimentent l’économie grâce au crédit. Tout ça nous est familier, la plupart des économies du monde affichent ce visage.
Mais Russell Napier aime nous rappeler que ça n’a pas toujours été le cas, et que ça ne le restera pas pour toujours. Avec la crise sanitaire, l’économie de marché est arrivée au bout de son chemin, et nous sommes entrés dans l’ère de l’économie dirigée. Nous sommes fin 2020, et le monde a reçu un choc si violent qu’il a fallu que les gouvernements déploient des mesures massives pour soutenir leur tissu économique et empêcher des cascades de faillites.
Des centaines de milliards d’euros ou de dollars ont soudain déboulé sur les marchés, par l’intermédiaire des aides gouvernementales en cash, mais aussi de la mise en place de prêts garantis par l’État et distribués par les banques commerciales. Et tout ça a fait grimper l’indice des prix. Ces mesures auraient dû être temporaires, elles étaient motivées par l’urgence. Mais les urgences s’enchaînent, et les garanties pour un État, c’est comme une fontaine à argent gratuite. Il n’y a pas besoin d’augmenter la dette ou de percevoir plus d’impôts, il suffit de donner sa caution auprès des banques commerciales pour qu’elles prêtent aux agents économiques sans débourser un sou. Et voilà comment un gouvernement reprend la main sur la création monétaire, au nez et à la barbe des banques centrales.
Mais il y a autre chose. Les prêts garantis par l’État ont rapidement été transformés en outils politiques puissants pour diriger l’économie. En choisissant quel secteur soutenir, quelles activités ou types d’entreprises privilégier, les gouvernements concernés ont définitivement mis fin à l’économie de marché. Ce phénomène porte un nom : la politisation du crédit. Il fait un rapide bilan : en Allemagne, 40% des crédits en cours sont garantis par l’État, en France, c’est 70%. Quant à l’Italie ou au Japon, nous sommes à 100%, car chaque prêt qui récemment est arrivé à échéance a été financé au moyen d’un autre prêt, consenti par l’État. En reprenant le contrôle du crédit, les gouvernements veulent reprendre le contrôle de la croissance et celui de l’inflation contre laquelle, je le rappelle, les banquiers centraux sont impuissants.
Donc, selon Russell, nous venons de basculer d’une économie de marché à une économie dirigiste, et c’est ça qui expliquerait toutes les incohérences auxquelles on assiste en ce moment. Dans un tel modèle, le gouvernement joue un rôle important qui ne se limite plus à la réglementation ou à la surveillance des marchés. Il contrôle où vont les capitaux et choisit quels secteurs sont à promouvoir. L’histoire montre que c’est une situation dangereuse. Dans les années 50, le gouvernement britannique dirigiste a orienté les capitaux disponibles vers l’exploitation de la houille, la production automobile et le projet d’avion supersonique Concorde. Aucune de ces industries n’avait d’avenir.
Les banques centrales doivent donc jouer un jeu d’une complexité absolue. Elles doivent maintenir la stabilité monétaire, et pour ça freiner la demande, pendant qu’en face d’elles, les gouvernements déployent un arsenal d’aides au pouvoir d’achat ou à l’investissement qui entraîne l’effet opposé et maintient l’inflation. Avec les taux d’endettement record publiés par les principaux pays de l’OCDE, maintenir une inflation élevée a un intérêt. Elle permet de dévaluer la monnaie et la valeur d’une dette émise dans cette monnaie. Elle permet aussi de faire progresser la croissance, puisqu’elle fait partie intégrante du PIB.
Pourquoi cette bascule arrive-t-elle maintenant ? Selon Russell, le modèle de l’économie de marché a atteint ses limites quand la courbe de progression de la dette, que ce soit la dette souveraine ou la dette des agents privés, a dépassé celle de la croissance. C’est le cas en France, aux États-Unis, au Royaume-Uni, ou au Japon depuis 2020. Aujourd’hui, les économies développées fondées sur le modèle anglo-saxon de l’argent infini se retrouvent surendettées et risquent de basculer dans le chaos à chaque correction, chaque récession normale ou nécessaire qui se présente. Et chacune demande plus d’efforts que les précédentes pour éviter une catastrophe.
C’est ce niveau d’endettement record qui pousse l’économie à entamer sa transition et les gouvernements à se réapproprier leur politique monétaire. Même si ça semble paradoxal, dans le cas de l’Union européenne, où des économies très différentes fonctionnent avec une monnaie commune, heureusement, même dans une économie dirigiste, les possibilités d’emprunt du gouvernement sont limitées par la contrepartie. Enfin, en théorie. Pour emprunter sur les marchés, il faut des prêteurs, et s’il dérape, il arrivera bien un moment où plus personne ne voudra de la dette d’un gouvernement, que ce soit à cause de son niveau d’endettement devenu trop élevé ou à cause d’autres menaces pesant sur sa solvabilité, comme une guerre, une crise énergétique ou une récession. C’est ce qui se passe en temps normal dans une économie de marché, mais c’est terminé. Nous avons changé d’ère.
La répression financière
Avec l’économie dirigiste vient la répression financière. Derrière ce nom inquiétant se cache des pratiques qui existent déjà, qui historiquement ont été couramment utilisées, et qui vont devenir une norme, voire même les piliers des prochaines politiques économiques.
En quoi ça consiste ? Pour que le projet fonctionne, les États ont besoin d’une base d’investisseurs nationaux capturés par la réglementation, qui leur impose d’acheter des obligations souveraines, quel que soit leur rendement. Plus de la moitié de la dette de l’État français est détenue par des Français, pour la plupart des institutionnels, des assureurs, des gestionnaires de fonds, et par la Banque de France, assise sur un quart de la dette. À l’avenir, il en faudra peut-être un peu plus d’une main, le gouvernement pourra être amené à légiférer pour obliger de nouveaux investisseurs à acheter la dette d’État chaque fois que le besoin s’en fera sentir. De l’autre côté, il maintiendra l’inflation à un niveau élevé, de 4 à 6% par an, en dépit des interventions des banques centrales pour dévaluer une dette qui de toute façon ne sera jamais remboursée. C’est ce qu’on appelle la répression financière. D’autres préfèrent parler de réquisition financière. Ça existe en Chine, et le Japon est en train d’y plonger. Nos parents ou nos grands-parents ont connu ça en Europe, et même en France, juste après la guerre, et ça arrive à nouveau. D’abord chez nous, puis aux États-Unis, quand le dollar perdra définitivement son statut de monnaie réserve numéro 1 dans le monde.
Conclusion
Maintenant qu’on sait ce qui se passe, qu’est-ce qu’on fait ? Russell conseille évidemment de fuir le secteur des obligations d’État pendant les 15 prochaines années. Selon lui, malgré les rendements, les détenteurs d’obligations souveraines seront les premiers spoliés, puisque tout va être fait pour que leur valeur nominale soit grignotée par une inflation élevée. En revanche, côté actions, de belles opportunités sont à saisir dans les secteurs qui apportent des réponses aux problématiques actuelles des gouvernements : énergies, transition écologique, alimentation, et toute industrie qui permet de s’affranchir de la dépendance aux produits chinois. Les entreprises qui évoluent sur ces secteurs devraient bénéficier d’un important soutien d’État et promettent de belles performances à long terme. Soyez donc sélectifs et visez les secteurs porteurs.
Enfin, Russell donne un dernier conseil : n’oubliez pas que la répression financière va forcément entraîner des changements fréquents dans les réglementations sur les marchés internationaux. Soyez prudents, car les capitaux peuvent de facto se retrouver contrôlés, comme c’est déjà le cas en Chine et dans une moindre mesure aux États-Unis, ou bien bloqués. Investissez plutôt dans un pays où vous envisagez de passer votre retraite. C’est une affaire de choix, mais pas besoin non plus d’attendre nos vieux jours avant de vous offrir un bon matelas pour des nuits de qualité. Allez faire un tour sur le site d’Emma et profitez de 10% de réduction grâce à notre code promo exclusif « Money ». Je suis sûr que vous aussi, vous y trouverez votre bonheur. Mais ne traînez pas trop, l’offre est valable jusqu’au 2 octobre. Quant à moi, je vous souhaite une bonne nuit avec Emma, et à bientôt.
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